
BCE : la dernière baisse avant la pause ?
La Banque centrale européenne s’apprête à réduire ses taux directeurs une fois de plus jeudi prochain. Mais selon les dernières analyses de certains économistes, cette décision pourrait bien marquer la fin du cycle d’assouplissement monétaire entamé par Christine Lagarde et son équipe. Une évaluation qui mérite attention, tant les implications pour l’euro et l’économie européenne sont considérables.
Une trajectoire qui se précise
Les marchés anticipent quasi unanimement une baisse de 25 points de base lors de la prochaine réunion du conseil des gouverneurs. L’institution de Francfort devrait ainsi poursuivre son mouvement de normalisation, engagé face au reflux progressif des pressions inflationnistes dans la zone euro.
L’épisode de hausse de l’inflation sous-jacente observé en avril semble désormais relever d’un phénomène temporaire, lié aux effets de calendrier de Pâques. Les données de mai confirment cette lecture, avec des chiffres plus modérés dans les principales économies européennes. Un élément rassurant pour une BCE soucieuse de ramener durablement l’inflation vers son objectif de 2%.
Pourtant, ces analyses suggèrent que cette prochaine réduction pourrait constituer le point final du cycle. Une perspective qui s’articule autour de plusieurs facteurs convergents, à commencer par les nouvelles projections économiques que publiera l’institution.
Deux forces contradictoires
Les nouvelles prévisions intégreront pour la première fois deux développements majeurs : le tournant budgétaire allemand et l’impact des politiques commerciales américaines sous l’administration Trump. Deux dynamiques aux temporalités et aux effets opposés.
D’un côté, le plan d’investissement allemand pourrait rehausser significativement les perspectives de croissance de la zone euro à partir de 2026. De l’autre, les tarifs douaniers américains – estimés à 10% sur la plupart des exportations européennes – pèseront sur la croissance à court terme, avec un impact négatif de 0,1 à 0,2 point en 2025-2026.
L’économiste en chef de la BCE, Philip Lane, a récemment précisé les contours de cette réflexion. Il distingue désormais trois zones de taux : restrictive (au-dessus de 2,8%), neutre, et accommodante (en dessous de 1,5%). Un passage vers cette dernière zone nécessiterait selon lui des “risques baissiers plus substantiels” sur l’inflation ou un “ralentissement plus significatif” de l’économie. Conditions qui ne semblent pas réunies à ce stade.
L’incertitude comme boussole
Les récentes données de croissance européenne surprennent d’ailleurs positivement par rapport aux indicateurs de sentiment économique. Un décalage qui renforce l’argument en faveur d’une pause dans l’assouplissement monétaire. La BCE n’a ainsi aucune urgence à basculer vers une politique ouvertement accommodante.
Les marchés financiers semblent d’ailleurs anticiper cette évolution. Au-delà de la baisse quasi certaine de juin, ils ne valorisent qu’une probabilité limitée de nouvelles réductions, avec seulement 20 points de base supplémentaires intégrés d’ici septembre.
La communication de la BCE devra néanmoins rester nuancée. Contrairement à avril où le discours suggérait un biais clairement accommodant, l’institution pourrait adopter une tonalité plus équilibrée, tout en maintenant l’incertitude comme maître-mot de sa stratégie.
L’enjeu dépasse la seule politique monétaire. Dans un environnement géopolitique volatile, où les tensions commerciales redessinent les équilibres économiques mondiaux, la BCE navigue entre normalisation nécessaire et vigilance prudente. Jeudi prochain marquera peut-être la fin d’un chapitre, mais certainement pas celle de l’histoire.