
La BNS au pied du mur : le franc fort réveille-t-il le spectre des taux négatifs ?
Le franc suisse traverse une période de force exceptionnelle qui place la Banque nationale suisse (BNS) dans une situation délicate. Avec une monnaie qui s’apprécie de près de 11% face au dollar cette année et des prix qui commencent à baisser, la perspective d’un retour aux taux d’intérêt négatifs devient une hypothèse sérieuse. Une situation que beaucoup espéraient révolue après l’abandon de cette politique par la plupart des banques centrales.
Pour comprendre l’enjeu, rappelons le principe : avec des taux négatifs, les banques paient pour déposer leur argent à la banque centrale au lieu de recevoir des intérêts. Un mécanisme contre-intuitif destiné à stimuler l’économie en encourageant les prêts plutôt que l’épargne.
Pourquoi un franc fort pose-t-il problème ?
L’appréciation du franc suisse déclenche un mécanisme économique bien connu. Quand la monnaie se renforce, les exportations suisses deviennent plus chères pour les acheteurs étrangers, ce qui pénalise les entreprises du pays. Parallèlement, les importations coûtent moins cher, faisant baisser les prix intérieurs et créant un risque de déflation.
Cette situation frappe particulièrement les secteurs phares de l’économie suisse : l’industrie, l’horlogerie et le tourisme. Pour une économie largement tournée vers l’exportation, cette perte de compétitivité représente un défi majeur que la BNS doit adresser.
L’administration américaine complique la donne en surveillant de près les interventions monétaires suisses. Washington surveille désormais la Suisse pour s’assurer qu’elle ne manipule pas artificiellement sa monnaie, limitant ainsi les options d’intervention directe de la BNS sur le marché des changes.
Des options limitées pour la BNS
Martin Schlegel, nouveau président de la BNS, dispose de moins en moins d’outils conventionnels. Avec des taux directeurs déjà très bas à 0,25%, la marge de manœuvre s’amenuise rapidement. L’intervention directe sur les marchés des changes, qui consiste à vendre massivement du franc pour en faire baisser la valeur, reste possible mais attire l’attention critique des États-Unis.
Le retour aux taux négatifs représente donc l’option de dernier recours. Mais cette solution comporte des risques importants : elle pénalise les revenus des épargnants, comprime les marges des banques et peut alimenter des bulles spéculatives, notamment dans l’immobilier.
Impact concret pour les entreprises et les particuliers
Pour les dirigeants d’entreprises opérant entre la France et la Suisse, ces évolutions imposent une gestion plus sophistiquée des risques de change. Les coûts deviennent moins prévisibles et les stratégies de couverture doivent être adaptées à un environnement monétaire instable.
Les particuliers frontaliers subissent également ces fluctuations dans leur quotidien, que ce soit pour leurs revenus, leurs achats transfrontaliers ou leurs investissements.
L’isolement relatif de la politique monétaire suisse par rapport à ses voisins européens risque d’amplifier ces tensions. Alors que la BCE maintient ses taux à des niveaux plus élevés, la divergence monétaire pourrait accentuer la pression sur le franc et pousser inexorablement la BNS vers des mesures exceptionnelles qu’elle préférerait éviter.