
Hedging de devises face à l’incertitude politique : ce que la « doctrine Trump II » change vraiment
Les secousses récentes sur les marchés – hausses soudaines des bourses, puis baisses collectives dès qu’une menace tarifaire ressurgit de Washington – rappellent, aux acteurs de la zone suisse-euro-dollar, que la politique commerciale, surtout côté américain, n’a jamais autant pesé sur la gestion du risque de change. Sous la seconde administration Trump, ce constat n’est plus une simple hypothèse de salle de marché : il rebat concrètement les cartes d’une gestion du risque fondée sur les fondamentaux économiques.
Contrairement à l’ère où la prévisibilité des grandes banques centrales structurait le quotidien du hedging, l’actuelle doctrine américaine multiplie les signaux disruptifs. L’approche de Donald Trump, désormais structurelle, repose sur une intensification des droits de douane à grande échelle : annonces de tarifs jusqu’à 104 % à l’encontre de la Chine, revenus à 34% actuellement, 30 % sur l’Europe et le Mexique, entre 20 et 50 % pour l’ensemble des autres partenaires, mais aussi des sanctions ciblées à l’égard des sociétés américaines qui externalisent leur production.
L’axe idéologique demeure le même que lors du premier mandat : sortir le commerce mondial d’un libre-échange jugé défavorable, ériger le « fair trade » national comme boussole, et ne pas hésiter à menacer, voire casser, les anciens équilibres pour remodeler l’ordre économique selon des intérêts américains jugés prioritaires.
Ce changement d’environnement ne relève pas de la théorie : il conduit les entreprises exposées à réviser leur approche du hedging. Les modèles classiques, dérivés d’hypothèses macroéconomiques, montrent leurs failles face à l’imprévisibilité des tweets présidentiels, capables de déplacer des milliards en quelques minutes. Utiliser les seuls contrats à terme ou anticiper des spreads de taux comme à l’époque, sans intégrer de scénarios politiques volatils, s’apparente à une gestion à l’aveugle.
Face à cette incertitude systémique, l’arbitrage dynamique, l’intégration massive d’options en portefeuille, la diversification réelle des devises de facturation deviennent des impératifs. La résilience face à ces chocs passe par la capacité à modéliser plusieurs trajectoires, intégrer l’effet domino des annonces entre USD, EUR et CHF, et accepter la dimension « politique » comme nouvelle variable clé du prix du risque.
Le risque, désormais, n’est plus seulement celui d’une variation de taux ou d’une divergence de croissance. Il s’incarne dans l’asymétrie des informations, la rapidité des revirements de tendance, l’importance de l’agenda politique sur les signaux économiques traditionnels. Les dirigeants et trésoriers qui l’ont compris gardent un temps d’avance, sachant que pour durer, il ne suffit plus d’optimiser son coût de couverture, mais bien de penser comme un stratégiste dans un monde où la surprise devient la norme.